La surdité chez le Bull Terrier, mais pas que...

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garoundea
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La surdité chez le Bull Terrier, mais pas que...

Message par garoundea »

On parle beaucoup de la surdité chez le Bull terrier, certains en faisant même leur fond de commerce, mais qu'en est-il exactement ?

Une communication actuelle diffuse l'information qu'il y aurait « près de 20% du Bull terrier blancs atteints de surdité » et qu' « hélas jusqu'à présent aucune sélection sérieuse en matière de surdité n'a été effectuée sur notre territoire et l'état du cheptel français pourrait être plus alarmant » (sic),

Cette affirmation-information,délivrée par des représentants de la commission d'élevage de l'association multiraces en charge de l'administration du bull terrier, a été utilisée, ainsi qu'une traduction des travaux du Pr STRAIN spécialiste reconnu de la surdité chez le Dalmatien, à fin de proposition pour inscrire cette pathologie comme une tare à rechercher afin qu'elle soit dépistée, et que les résultats soient pris en compte dans les grilles de cotation du Bull.

Les auteurs de ces affirmations on ne peut plus alarmistes et totalement décalées par rapport à la réalité, semblent toutefois davantage traduire un phantasme que des conclusions avérées, qui sur le long terme serait susceptible d'entraîner une perte de confiance des amateurs de Bull terrier pour cette race.

S'entendre régulièrement dire que le Bull blanc, dans une proportion importante, est sourd, alors que l'on sait pertinemment que ces affirmations sont erronées et sans fondement scientifique, n'est pas acceptable.

Quand à l'affirmation « qu'hélas jusqu'à présent aucune sélection sérieuse en matière de surdité n'a été effectuée sur notre territoire et l'état du cheptel français pourrait être plus alarmant » devrait interpeller leurs auteurs tant leurs affirmations ne semblent représenter qu'eux-mêmes car avant tout préalable il eut été souhaitable qu'ils aient questionnés les éleveurs de Bull Terrier Français, des fois que..., et comment, d'autre part, ces mêmes personnes peuvent-elles avancer de tels arguments aussi "alarmant" si "aucune sélection sérieuse n'a été effectuée" ?.

Pour conclure cette introduction on peut se poser la question de savoir pourquoi la commission d'élevage du Bull terrier du FABAS à repris ces études Américaines sans même les vérifier, et pourquoi cette même commission n'a pas eu la volonté d'approcher l'élevage du Bull terrier en France afin d'établir ce qui aurait du constituer depuis longtemps un état des lieux de la production Française.

Pour rappel : 1er point : La pigmentation de la truffe, muqueuse comme chacun le sait, ne présente aucune concordance avec la pigmentation du poil et ne peut donc être tenue pour responsable de la surdité.

Second point : Petit rappel du standard Anglais à propos de la pigmentation de la truffe, " la truffe doit être de préférence noire", et non noire comme certains en France essayent de le faire croire.
La traduction du standard Anglais par R.Triquet ainsi que son interprétation à propos de la couleur de la truffe est erronée, ne doit pas être prise en compte en France et devrait être rectifiée.

Pour mémoire je renvoie à la mise au point que B. Lambert éleveur Anglais de Bull Terriers et porte parole du club Anglais nous avait ici même délivré. Truffe,

Les résultats de l' étude Américaine réalisée par le Pr STRAIN étude ne concordant pas avec ceux de notre élevage, nous avons décidé de contacter le Pr STRAIN afin de lui poser des questions concernant la manière dont elles ont été réalisées. Au passage nous tenons vivement à remercier le Professeur pour sa disponibilité ainsi que pour la rapidité de ses réponses.

Depuis 1999 date à laquelle nous avons commencé à faire naître des Bull Terriers, nous n'avons jamais eu de Bull Terriers blancs purs sourds et n'avons jamais eu de Bull Terriers de couleur sourds.

Nous avons fait naître de 1999 à 2006 256 chiots dont:

- 2 Bull blancs sourds bilatéraux avec marques en tête
- Aucun Bull blanc pur sourd bilatéral
- Aucun Bull de couleur sourd.

Pour ce faire nous avons utilisée une dizaine de reproducteurs mâles sans effectuer de consanguinité

En nous basant sur les études du Pr Strain, ainsi que sur les 256 chiots que nous avons produit, cela donnerait

- Sur 163 Bull de couleurs: 1.3% devraient être atteints de surdité unilatérale. Soit 2.119 chiots.
- Sur 65 Bull blancs purs: 2 % devraient être atteints de surdité bilatérale. Soit 1.3 chiots devraient être atteints
- Sur 28 Bull blancs avec marques en tête 18 % atteints de surdité unilatérale. Soit 5.04 chiots devraient être atteints

Par contre dans la mesure ou nous n'avons jamais dépisté les sourds unilatéraux car il faut pour cela disposer du matériel idoine, nous ne pouvons produire de statistiques fiables même si celles que nous détenons vont également à contre-courant de ce qui est généralement, et de manière faussée, véhiculée.

A noter que la surdité bilatérale chez les Bulls de couleur n'existerait pas pour le pr Strain, ou tout du moins, il n'en aurait pas étudié de cas.

Sachant par expérience, que si nous voulons obtenir des résultats relativement sûrs et donc exploitables, il nous faut nécessairement mettre en place un protocole de travail permettant une rigueur indispensable à ce genre d'études nous avons donc décidé de tester nos chiots, non pas pour déceler les sourds bilatéraux, chose relativement simple, mais les unilatéraux pour lesquels il faut posséder un matériel technique particulier.

Pour l'année 2007 nous avons fait testé nos 3 portées, et pouvons déjà
avancer avec certitudes les résultats suivants:

- Portée de 5 chiots: 3 tricolores 2 blancs. Tous indemnes
- Portée de 7 chiots: 5 bringés 2 blancs. Tous indemnes
- Portée de 8 chiots: 3 bringés 2 blancs purs 1 blanc avec tâche en tête 1 tricolore 1 noir et blanc. Tous indemnes

Ces portées sont issues de 3 femelles dont les origines sont différentes les unes des autres, avec le même mâle. Dernière précision, aucun de ces reproducteurs n'est testé pour la surdité.
Naturellement nous continuons nos dépistages afin d'affiner ces résultats et pouvoir établir des statistiques fiables et utilisables.

Les Dr vétérinaires M.HAY et le Dr.V.D.VINCENT
constatent également des écarts importants entre les Etats Unis et l'Europe aux sujets des pourcentages de surdité chez le dalmatien, tout en confirmant les observations du Pr QUEINNEC sur le principe même de la diffusion des tares. En effet le Pr Guy QUIENNEC dans un article sur les limitations de portées imposées dans certains pays par des clubs de race écrivait à propos de la sélection Américaine: " D'ailleurs lors d'un séminaire de la S.F.C. portant sur les tares génétiques, nous avons été frappé d'une chose. Il y a vingt ans les importations canines de Grande-Bretagne chargeaient notre élevage de beaucoup de tares, au point d'avoir suscité un rapport à la S.C.C.. depuis cinq-dix ans ce sont les importations américaines qui posent problème, car dans ce pays on cultive le show en l'absence de travail, c'est à dire que la sélection se fait sur l'hypertype. Du coup les publications Américaines font état de taux de tares de 70 à 80% chez les races connues, alors qu'en France nous ne voyons pas grand-chose dans ces races, pour le moment."

Le Dr Vétérinaire M.MAY quand à lui note des écarts de surdité unilatérale et bilatérale de 7% à 20 % chez le Bull Terrier entre la France et les Etats-Unis.

Au passage il convient de rappeler que le système des expositions Américaines favorise à outrance tous les excès .Je renvoie aux communications du Pr Queinnec en 2002 qui ,déjà ,dans la revue de la SFC et plus tard dans diverses publications tirait la sonnette d'alarme à propos des importations de chiens Américains susceptibles d'être porteurs de gros problèmes de santé à cause d'une sélection axée essentiellement sur les expositions et obtenues par des programmes d'élevage basées sur de la consanguinité extrême et mal gérée.Ceci permettant d'obtenir d'une manière quasiment assurée la reproduction de chiens esthétiquement de haut niveau basée sur la sélection du phénotype au détriment du génotype

Franck Aymann rédacteur à la revue Aniwa donne un aperçu exhaustif de ces pratiques dans son article " La championnite".



Pour dédramatiser la surdité unilatérale, le Dr DVINCENT responsable des dépistages pour le Dalmatien en France, précise qu'il est préférable de désigner un chien sourd unilatéral comme un chien malentendant ceci afin de ne pas créer de psychose qui pourrait à terme être préjudiciable aux races testées.

Cela semble logique car au delà de l'aspect purement reproduction-transmission génétique dont il faudrait précisément arriver à fournir des statistiques et non pas des postures du genre " principe de précaution", un chiot sourd unilatéralement vivra très bien et saura compenser son léger handicap.

Les personnes pratiquant les tests de dépistage de la surdité doivent savoir qu'il y a une anesthésie générale, qui même si elle est légère et permet au chiot d'être réveillé une vingtaine de minutes plus tard, est quand même une anesthésie qu'il ne faut pas prendre à la légère y compris pour les adultes dont les doses seront plus conséquentes.
Donc avant d'effectuer ce test il faut bien veiller à ce que le vétérinaire ait pris le temps de réaliser une auscultation cardiaque.


Quelle attitude face à la surdité ?

Ne pas faire reproduire ?. Faire reproduire ? Comment ?.
Dans la mesure où malheureusement nous n'avons aucun recul permettant d'affirmer avec certitude comment le mode de transmission s'opère chez le Bull Terrier, s'il reste souhaitable de ne pas faire reproduire, il faudra malgré tout tenir compte de la population globale ainsi que de son taux de consanguinité.
Au passage je ne résiste pas au plaisir de raconter cette anecdote.
Dans une AG du club du Mastiff, le président Allemand du club du Matin, juge de Mastiffs, était venu nous tenir un discours sur la sélection. Pour ce faire il nous avait donné l'exemple de son club qui avait effectué un travail de sélection pour que le cheptel allemand arrive à 50% de Matin indemnes de dysplasie coxo-fémorale.
Le problème c'est que dans ce club ils n'avaient pas effectué d’étalonnage avant de commencer à vouloir "éradiquer" la dysplasie. S'ils l'avaient fait, gageons qu'ils seraient tombés sur...50% de Matins non atteints!.

Donc l'idéal reste, dans un premier temps, la reproduction avec des Bulls, eux-mêmes sains donc testés.
Ensuite on peut utiliser des Bulls sains testés ayant produit des sourds afin de pouvoir obtenir des statistiques exploitables et ensuite seulement adopter une stratégie de long terme.
L'idéal serait de faire reproduire des atteints avec des sains afin d'avoir une approche plus scientifique de la surdité chez le Bull qui je le rappelle ne peut pas être comparée à celle du Dalmatien dans la mesure où le Bull Terrier n'est pas porteur du gène Merle(qui est responsable de la plupart des cas de surdité chez le dalmatien).


Naturellement le fait pour un comité en charge d'une race, d'avoir proposé d'inclure la recherche de la surdité chez le Bull Terrier sans au préalable avoir effectué des étalonnages-dépistages, tout en laissant affirmer que "près de 20% du Bull terrier blanc sont atteints de surdité » et qu' « hélas jusqu'à présent aucune sélection sérieuse en matière de surdité n'a été effectué sur notre territoire et l'état du cheptel français pourrait être plus alarmant » (sic), peut laisser songeur..


Lien vers une explication sur la mortalité dans le Bull à ....5 semaines http://garoundea.fr/viewtopic.php?f=157&t=363
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Re: La surdité chez le Bull Terrier

Message par garoundea »

Notions de base en élevage

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Re: La surdité chez le Bull Terrier

Message par garoundea »

Sur le forum international l'éleveur de Bull Américain Corsaire dit avoir eu 2 chiots sourds sur 100 chiots produits.

http://terijer.com/forum2/viewtopic.php ... &sk=t&sd=a
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Re: La surdité chez le Bull Terrier

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Re: La surdité chez le Bull Terrier

Message par garoundea »

Depuis 1999 nous avons fait naître 278 chiots nés dont 2 chiots blancs avec marques en tête sourds Bilatéraux.

Depuis 2007 date de l'année de la mise en place de tests de dépistages à l'élevage, 20 chiots ont été dépistés, aucun sourds.

Année 2008

1 portée LBM 2 chiots - 1 bringé
1 noir et blanc testés indemnes

1 portée GD 5 chiots bringés testés indemnes

1 portée GD 5 chiots - 1 noir et blanc
4 blancs les 5 testés indemnes

Depuis que nous effectuons des dépistages sur la surdité, 2007, nous avons produit 32 chiots tous testés indemnes dont 11 blancs.


Année 2009


1 portée de 9 chiots



1 portée de 3 chiots


1 portée de 3 chiots

1 portée de 8 chiots


Nous avons fait naître de 1999 à 2006 256 chiots dont:

- 2 Bull blancs sourds bilatéraux avec marques en tête
- Aucun Bull blanc pur sourd bilateral
- Aucun Bull de couleur sourd.

Pour l'année 2007 nous avons fait testé 3 portées, 20 chiots.

- Portée de 5 chiots: 3 tricolores 2 blancs, tous indemnes
- Portée de 7 chiots: 5 bringés 2 blancs, tous indemnes
- Portée de 8 chiots: 3 bringés 2 blancs purs 1 blanc avec tâche en tête 1 tricolore 1 noir et blanc, tous indemnes

Pour l'année 2008 nous avons fait testé 3 portées, 12 chiots

- Portée de 5 chiots: 5 bringés, tous indemnes.
- Portée de 5 chiots: 4 blancs avec des tâches en tête, 1 noir et blanc, tous indemnes.
- Portée de 2 chiots: 2 noirs et blancs, tous indemnes.
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Re: La surdité chez le Bull Terrier

Message par garoundea »

Dans le cadre du Congrès de L'AFVAC et de ses rencontres "vétérinaires et éleveurs", le Dr vétérinaire Ludovic Siméon intervenait sur la surdité. Il nous a autorisé à publier sur le forum une synthèse de cette intervention, et nous le remercions
chaleureusement.
Par ailleurs nous sommes heureux de constater que cette étude confirme ce que nous avancions à savoir que 20 voir 25 % de Bulls Blancs sourds bilatéraux était une vue de l'esprit.




Reproduction interdite


– Note de synthèse du Dr Ludovic Siméon, vétérinaire, le 30/08/2014

La surdité chez le chien : dépistage et prévalence en élevage.

Dr Ludovic Siméon, vétérinaire clinique.vetmsb@orange.fr

Introduction

La surdité chez le chien est une affection considérée comme rare dans l’espèce canine, à l’exception de certaines races dans lesquelles la prévalence de la surdité congénitale est importante, à savoir des races présentant du blanc dans leur robe (Dalmatien, Dogue argentin, Bull Terrier, Jack Russel Terrier, Setter anglais, …) et les races présentant des robes « Merle » (Border Colley, Colley, Shetland, Berger australien, …). De plus, la présence de surdité congénitale est tout de même rapportée dans une centaine de races (cf tableau) [1]. Cette présentation va s’intéresser au dépistage de la surdité chez ces races à risques et à la prévalence rapportée dans les races concernées dans la littérature scientifique vétérinaire (le plus souvent anglo-saxonne), prévalence que nous comparerons à celle mise en évidence sur un échantillon de chiens issu d’élevages français (sur des données recueillies entre 2005 et 2014, dans notre clientèle).

Définition et classification de la surdité [2]

La surdité se définit comme toute diminution ou perte de l’ouïe, l’ouïe étant le sens par lequel sont perçus les sons. On classe la surdité selon 5 critères : son déterminisme (génétique : on parle de surdité héréditaire ou innée ; ou environnemental : on parle de surdité acquise), son moment d’apparition (à la naissance : on parle de surdité congénitale ; ou après la naissance : on parle de surdité non congénitale ou tardive ou abiotrophique), sa sévérité (lorsque la fonction auditive est diminuée, on parle de surdité partielle ; lorsque la fonction auditive est absente, on parle de surdité totale), sa symétrie (si une seule oreille est atteinte, la surdité est unilatérale ; si les deux oreilles sont atteintes, la surdité est bilatérale) et sa localisation anatomo-pathologique.

Pour envisager ce dernier critère, il faut rappeler brièvement quelles sont les bases anatomiques de l’audition : elles se composent de l’oreille (mais nous verrons qu’il n’y a pas une oreille mais trois oreilles qui se font suite) et des voies sensorielles de l’audition.

L’oreille (ou organe vestibulo-cochléaire) comprend tout d’abord l’oreille externe. Cette dernière est formée par le pavillon auriculaire (ou auricule) et par le conduit auditif externe (ou méat acoustique externe). Lui fait suite l’oreille moyenne, qui débute par le tympan (ou membrane tympanique), relié aux trois osselets auditifs (le marteau qui est accolé au tympan, l’enclume et l’étrier), situés dans la bulle (ou cavité) tympanique, qui communique avec la partie nasale du pharynx par la trompe d’Eustache (ou trompe auditive). La base de l’étrier est enchâssée dans la fenêtre ovale (ou fenêtre vestibulaire), avec laquelle débute l’oreille interne. Cette dernière se situe dans une structure osseuse du crâne appelée rocher (ou partie pétreuse de l’os temporal). Elle est formée par les canaux semi-circulaires et le vestibule (supports anatomiques de l’équilibre) et par la cochlée (support anatomique de l’audition), et communique par deux fenêtres avec l’oreille moyenne, la fenêtre ovale (déjà évoquée) et la fenêtre ronde (ou cochléaire). L’oreille interne est reliée aux voies nerveuses centrales de l’audition par le nerf cochléaire qui est une branche du nerf vestibulo-cochléaire (également appelé nerf VIII, car étant la huitième paire des nerfs crâniens).
Les voies sensorielles de l’audition sont ainsi formées par le nerf cochléaire et les voies nerveuses centrales de l’audition. Ces dernières se localisent dans le tronc cérébral (successivement : les noyaux cochléaires, les lemnisques latéraux, les collicules caudaux, les corps géniculés médiaux) et dans le cortex cérébral (cortex temporal).

Ceci étant vu, l’on peut revenir au dernier critère de classification de la surdité : la localisation anatomo-pathologique. Lors d’atteinte de l’oreille externe et/ou moyenne, on parle de surdité de transmission (ou de conduction). Lors d’atteinte de l’oreille interne ou des voies sensorielles de l’audition, on parle de surdité de perception (ou de réception ou neuro-sensorielle ou sensori-neuronale). Une surdité de perception peut ne concerner que l’oreille interne : elle sera dite endocochléaire, ou uniquement les voies sensorielles de l’audition : on parle de surdité de perception rétrocochléaire.

Cette première partie permet d’entrevoir que derrière le terme générique de surdité, se cache une multitude de types de surdité, tous différents les uns des autres. Dans notre cas, nous allons nous
intéresser à un type bien précis de surdité : la surdité héréditaire, congénitale, totale, uni- ou bilatérale, de perception endocochléaire.

Physiopathologie de la surdité héréditaire chez le chien [3]

Nous allons désormais nous intéresser à la question : « pourquoi les chiots des races à risque concernées sont-ils sourds ? », et nous devrions plutôt dire dans la majorité des cas « pourquoi ces chiots deviennent-ils sourds ? ».

En effet, seulement dans les races Dobermann et Sealhyam Terrier un déterminisme génétique autosomal récessif a été démontré vis-à-vis de la surdité [4,5]. Dans les autres races, le déterminisme génétique semble beaucoup plus compliqué et est toujours en cours d’étude.

Ce que l’on sait, c’est que la surdité résulte alors d’un dysfonctionnement de l’oreille interne, plus précisément des structures nerveuses contenues dans la cochlée. Cette dernière se compose de canaux en forme de spirales, au sein desquels se situent trois structures distinctes, chacune remplie de liquide : la « rampe » vestibulaire et la « rampe » tympanique (remplies de périlymphe), situées de part et d’autre de la troisième structure : le conduit cochléaire (rempli d’endolymphe). Celui-ci est constitué de différents éléments, notamment de l’organe spiral (également appelé « organe de Corti ») qui contient les cellules sensorielles de l’audition, et de la strie vasculaire, qui sécrète l’endolymphe et qui a également un rôle de soutien dans l’architecture du conduit cochléaire. Cette strie vasculaire contient des cellules pigmentées appelées mélanocytes, essentielles à son bon fonctionnement. En l’absence de ces cellules, le conduit cochléaire se collabe et l’organe spiral (et donc les cellules sensorielles de l’audition) dégénèrent : on parle de dégénérescence cochléo-sacculaire.

Ainsi, dans les races canines à risque vis-à-vis de la surdité, l’on pense que c’est un défaut de pigmentation d’une structure de l’oreille interne (la strie vasculaire) qui est responsable de la surdité. La base génétique de ce type de surdité semble reposer sur les gènes de pigmentation de la robe (le gène « S » déterminant la part et la distribution du blanc dans la robe, et plus particulièrement ses allèles sp et sw pour les races Dalmatien, Bull Terrier, Setter anglais, … ; le gène « M » ou merle pour les races Colley, Shetland, Berger australien, Teckel, Border collie, …) et leur expression au sein de l’oreille interne.

Enfin, précisons que normalement, chez un chiot, l’audition débute vers l’âge de deux semaines et est parfaitement fonctionnelle à l’âge de trois semaines. Chez un chiot sourd appartenant aux races à risque précédemment citées, le même développement de la fonction auditive se produit. Mais, c’est entre la troisième semaine et la quatrième semaine de vie, que cette dernière involue, la surdité devenant effective vers l’âge d’un mois. On remarquera ici que l’on définit à tort cette surdité comme congénitale bien qu’elle ne soit pas présente dès la naissance, nous conserverons néanmoins cet abus de langage dans la suite de la présentation.

Ainsi, le dépistage de la surdité chez ces chiots ne doit se faire qu’à partir de la cinquième semaine de vie.

Dépistage de la surdité chez le chien [6]

Il repose sur une méthode audiométrique objective (car subjectivement, en claquant des doigts par exemple, il est très difficile de mettre en évidence une surdité, et d’autant plus si elle est unilatérale) : l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (ou P.E.A.). Son principe repose sur l’application de stimulations sonores monaurales (c’est-à-dire à chacune des oreilles) qui permettent d’évoquer en un temps très court (dix millisecondes) une succession de potentiels d’action (dont le nombre est inférieur ou égal à sept) qui correspondent au cheminement des influx nerveux dans le tronc cérébral, ce phénomène étant enregistré par méthode oscillométrique. En pratique, l’appareil de mesure est relié à l’animal à la fois par des électrodes (au nombre de trois) placées sous la peau de celui-ci (généralement une au sommet du crâne, une autre à la base de l’oreille testée, et la dernière soit à la base de l’autre oreille soit au niveau du cou) et par des écouteurs (casque ou bouchons d’oreille) placés au niveau des oreilles du chien. Pour le reste, aucun consensus n’existe sur le déroulement de l’examen. Dans la pratique de l’auteur, une sédation est systématiquement pratiquée (soit par injection pour les adultes, soit par anesthésie gazeuse à l’aide d’un masque pour les chiots), ce qui permet de limiter au maximum les artéfacts lors de l’examen (et donc d’avoir des enregistrements les plus précis possibles), sans altérer la fonction auditive.

Les stimulations sonores utilisées en dépistage ont une intensité de 90 décibels HL (ce qui permet de s’affranchir de la présencede cérumen dans les oreilles, qui peut altérer l’enregistrement des PEA à des plus faibles intensités de stimulation). Rappelons que le seuil de douleur est situé au-dessus de 70 dB HL, ce qui explique notamment le recours à la sédation par l’auteur. L’enregistrement des PEA dure quelques minutes (généralement moins de cinq minutes), tout comme la sédation de l’animal. Une fois l’examen réalisé, dans le cadre d’un dépistage de surdité héréditaire congénitale (qui est rappelons-le alors toujours totale), l’interprétation de l’enregistrement des PEA est assez simple : la présence de PEA infirme une surdité, leur absence confirme une surdité. Lors de surdité, l’enregistrement des PEA sur chacune des oreilles permet de savoir si l’atteinte est uni- ou bilatérale.

Prévalence de la surdité dans les races à risque

Entre 2005 et 2014, dans notre clientèle, lors de dépistage chez des éleveurs (ou lors de diagnostic à la demande de particuliers ayant un doute quant à l’audition de leur chien), la prévalence de la surdité chez les chiens testés (soit 785 individus) est de 17.5%.
Deux races à risque ont particulièrement fait l’objet d’un dépistage vis-à-vis de la surdité (ce dépistage ayant concerné à la fois des chiots et des adultes reproducteurs) : le Dalmatien avec 328 individus testés, et le Bull Terrier avec 305 individus testés.

Chez le Dalmatien, au total, 57 (17.4%) individus ont présenté une surdité, dont 47 (14.3%) présentaient une surdité unilatérale, et 10 (3.1%) une surdité bilatérale.

Cette prévalence est proche de celle trouvée dans d’autres pays européens (Allemagne [7], Belgique [8], Royaume Uni [9], Suisse [10]) allant de 16.5% à 22%. Cependant ces différentes études européennes montrent une proportion de sourds unilatéraux 1.5 à 3 fois supérieure à celles des sourds bilatéraux, alors que dans notre cas, la proportion de sourds unilatéraux est 4.7 fois supérieure à celles des sourds bilatéraux. Par contre, notre prévalence de la surdité de 17.4% est nettement inférieure à celle trouvée aux Etats Unis d’Amérique [1] où la prévalence de la surdité chez le Dalmatien atteint 30%. Là également la proportion des sourds unilatéraux est 2.8 fois supérieure à celle des sourds bilatéraux (ce qui est nettement inférieur à nos résultats).

Chez le Bull Terrier, au total, 25 (8.2%) se sont révélés sourds dont 20 unilatéraux (6.6%) et 5 bilatéraux (1.6%). Si l’on fait la distinction entre les individus colorés (au nombre de 175) et les individus blancs (130), la prévalence de la surdité est différente.

En effet, chez les individus colorés, nous avons mis en évidence 9 sourds (5.1%) dont 8 unilatéraux (4.6%) et 1 bilatéral (0.5%) ; alors que chez les individus blancs, il y a eu 16 sourds (12.3%) dont 12 unilatéraux (9.2%) et 4 bilatéraux (3.1%).

Ces résultats diffèrent à la fois des chiffres américains [1] qui donnent une prévalence de la surdité chez le Bull Terrier de 11.5% (1.3% chez les individus colorés contre 20.4% chez les individus blancs) avec 10.3% de surdité unilatérale (1.3% chez les colorés et 18.2% chez les blancs) et 1.2% de surdité bilatérale (0% chez les colorés et 2.2% chez les blancs) ; et des chiffres français issus d’une étude organisée par le club de race du Bull Terrier [11] qui rapporte une prévalence de la surdité de 11% (0% chez les colorés et 24.2% chez les blancs) dont 9% de sourds unilatéraux (0% chez les colorés et 19.8% chez les blancs) et 2% de sourds bilatéraux (0% chez les colorés et 4.4% chez les blancs).

Nous avons également testé des chiens appartenant à d’autres races à risque vis-à-vis de la surdité, mais avec un nombre d’individus nettement inférieur à celui des deux races précédemment évoquées : des Jack Russel Terriers (ainsi que des Parson) avec 46 chiens testés dont 21.7% de sourds (8.7% d’unilatéraux et 13% de bilatéraux) ; des Dogues argentins avec 31 chiens testés dont 22.6% de sourds (16.1% d’unilatéraux et 6.5% de bilatéraux) ; des Bouviers australiens avec 26 chiens testés dont 15.4% de sourds (11.5% d’unilatéraux et 3.9% de bilatéraux) ; des Setters anglais Lemon avec 12 chiens dont 75% de sourds (16.7% d’unilatéraux et 58.3% de bilatéraux) ; et de nombreuses autres races canines avec moins de 10 individus testés par race (American Staffordshire Terrier, Beauceron, Berger australien, Bichon maltais, Bouledogue français, Cavalier King Charles, Cocker anglais, Labrador, Pointer, Scottish Terrier, Saint Bernard, Shih Tzu, Staffie blanc, West Highland White Terrier).

Enjeux de la sélection canine et du dépistage de la surdité dans les races à risque [3]
Pour diminuer la prévalence de la surdité congénitale dans ces races canines à risque, en particulier dans les races dans lesquelles la surdité est lié aux gènes de pigmentation de la robe, il a été démontré qu’il faut favoriser les robes colorées ou le plus pigmentées possibles, favoriser la présence de patchs
Reproduction interdite – Note de synthèse du Dr Ludovic Siméon, vétérinaire, le 30/08/2014
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ou de masque noirs (selon les races) au niveau de la tête, et ne pas sélectionner les individus présentant des yeux bleus. Aux vues de ces prévalences importantes de la surdité dans ces races canines à risque, en sachant qu’il a été démontré que de faire reproduire ne serait-ce qu’un chien sourd (que la surdité soit uni- ou bilatérale) parmi les deux parents multiplie au moins par deux le risque de surdité dans la portée, et qu’il existe une méthode vétérinaire simple et accessible (l’enregistrement des PEA) pour mettre en évidence la présence ou non d’une surdité, l’on voit l’intérêt du dépistage systématique vis-à-vis de la surdité des reproducteurs et des chiots produits, et du retrait de la reproduction des individus atteints de surdité (même unilatérale). Rappelons enfin et pour conclure qu’un chien atteint de surdité unilatérale est quasi asymptomatique (un observateur attentif pourra déceler des difficultés chez ces chiens à discerner d’où viennent les sons) et qu’il peut être un excellent chien de compagnie. Par contre, le devenir d’un chiot atteint de surdité bilatérale est plus problématique, une majorité d’éleveurs choisissant leur euthanasie.

Bibliographie

1- Strain, GM., 2014. Deafness in dogs and cats. http://www.lsu.edu/deafness/deaf.htm (consulté le 27/08/2014)
2- Siméon, L., Monnereau L., 2005. Diagnostic de la surdité : les potentiels évoqués auditifs. Point vétérinaire (Maisons-Alfort), n° 259, pp. 12-13.
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garoundea
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Re: La surdité chez le Bull Terrier, mais pas que...

Message par garoundea »

Par contre il nous semble que les résultats concernant les Bulls de couleur dans cette étude semblent hauts si nous faisons un paralléle avec ce que nous avons étudié ces dernières années dans notre élevage, et que nos résultats concernant les Bulls de couleur correspondent davantage à l'étude du Pr Strain.

La cause la plus rationnelle semble être due au fait que des éleveurs ou des particuliers se dirigent vers des mariages dont l'un des deux reproducteurs aurait une surdité unilatérale pensant ainsi diluer génétiquement cette maladie.

Or il n'en est rien dans la mesure où un chien exprimant une surdité unilatérale doit être considéré comme présentant une surdité génétiquement bilatérale avec les mêmes conséquences dans sa transmission aux chiots.

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Sujet remonté par garoundea le 26 mars 2015, 08:23.
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